Pour commencer : l?enregistrement officiel. Les engrenages de la bureaucratie commencent ? tourner ; reste ? savoir ? quelle vitesse. Floriano Mandl, en charge de ce dossier, a d?j? franchi deux ?tapes n?cessaires et s?appr?te ? passer la troisi?me. Le train est en marche, et Floriano est tr?s vigilant.
Ces derni?res semaines se sont produits des ?v?nements marquants ici ? Tarrafal. Le 30 mars, le Premier Ministre capverdien, Jose Maria Neves, est venu inaugurer notre Poste de Sant? r?cemment r?nov?, accompagn? de la Ministre de la Sant? Cristina Fontes Lima et de nombreuses autres figures politiques. Par ailleurs, le levier de la microcentrale de distribution d??nergie a ?t? actionn? : nous disposons ? pr?sent de l??lectricit? 24h/24. L?Unit? de Soutien ? la P?che Artisanale a ?galement ?t? inaugur?e : tout juste construit, le lieu dispose d?une machine fabriquant de la glace pour conserver le poisson. Enfin a ?t? pos?e la premi?re pierre de la route Porto Novo ? Tarrafal. Le groupe de dignitaires a ?t? escort? par de nombreux habitants munis de tambours et de sifflets. Ils ont coup? d?innombrables rubans inauguraux et prononc? de beaux discours pour la t?l?vision dans le Polivalente (salle des f?tes). Le progr?s nous rattrape ? une vitesse vertigineuse, tout ? fait non-capverdienne !
Martin Peter, lui, a v?cu l?exp?rience du rythme capverdien plus habituel. Le m?decin g?n?raliste de Burgdorf (Allemagne) a fait pendant un mois (mars ? avril 2015) ses ? devoirs de vacances ? ? Tarrafal. Cet ?v?nement a ?t? un v?ritable succ?s d?un point de vue m?dical, et s?est aussi r?v?l? un tr?s grand enrichissement personnel. Martin s?est fait beaucoup d?amis ? Tarrafal, gr?ce ? sa comp?tence, sa modestie et son amabilit?. Vite impr?gn? par le mode de vie plut?t d?tendu du Cap-Vert, il terminait chaque jour ses consultations avec le sourire. Il raconte son exp?rience dans un petit entretien.
Annette : Martin, vous venez de passer quatre semaines de travail ? Tarrafal. Avec quels sentiments allez-vous rentrer chez vous ?
Martin : Je rentre avec le sourire et les larmes aux yeux. Avec le sourire, parce que je suis rest? assez longtemps loin de ma maison et de ma famille, et avec des larmes parce que je ressens une grande m?lancolie. J?ai fait la rencontre marquante de gens qui resteront dans mon c?ur, j?ai ?t? chaleureusement re?u et tr?s facilement accept?. Pour moi, cela a ?t? tr?s difficile de me s?parer des gens et du village.
Annette : Pour vous, qu?est-ce qui caract?rise la vie ? Tarrafal ?
Martin : Les gens ont ?ternellement le temps. Personne n?est impatient ici. Par exemple, lorsqu?il y a une longue file d?attente ? la porte du Poste de Sant?, pour eux il est compl?tement normal d?attendre, m?me longtemps. Les patients venaient me voir sans expectatives ni exigences, ils ?taient simplement satisfaits que je les examine, mesure leur tension art?rielle, leur donne un avis m?dical ou un m?dicament. Les gens sont tr?s communicatifs ; ? chaque coin de rue, on ?change quelques mots. Leur m?tier, par exemple dans la p?che ou dans l?agriculture, requiert de la force physique, notamment parce que les barques doivent ?tre remont?es hors de l?eau ? la force des bras, sur les pierres de la plage, ou que le poisson doit ?tre sal? en grande quantit?. En m?me temps, j?ai ressenti une tr?s vive joie de vivre et de la s?r?nit?. J?ai exp?riment? un mode de vie compl?tement diff?rent.
Annette : Que pensez-vous de la question sanitaire ?
Martin : Je distingue deux aspects : l?infrastructure mat?rielle et l?implication personnelle, les moyens humains. J?ai ?t? tr?s impressionn? par les deux, qui ont d?pass? mes attentes. Des pansements et des m?dicaments sont disponibles en quantit? suffisante, surtout pour les maladies chroniques. Il y a des lits d?examen, des moyens de contr?le de la tension, du diab?te etc? Le personnel m?a encore plus surpris. Ilidio, l?infirmier en chef, est un homme comp?tent et remarquable ; il sait ? peu pr?s tout. Il pratique de la petite chirurgie, sait arracher des dents, poser des cath?ters et des perfusions ; il fait des examens gyn?cologiques, de la pr?vention et de l?accompagnement aupr?s des femmes et des m?res, etc? C?est surprenant de voir tout ce qu?il sait faire. Jair est aussi tr?s intelligent et fait un bon travail de diagnostic et de soins.
Annette : Comment et o? avez-vous travaill? ?
Martin : Les deux premi?res semaines, dans l?ancien Poste de Sant?, et les deux derni?res dans le nouveau, de l?autre c?t? de la rue, qui est tr?s bien ?quip? : quatre salles de soins, un dortoir masculin et un autre f?minin, des douches et des sanitaires neufs. J?ai aussi fait une s?rie de consultations ? domicile et j?ai grimp? dans la montagne, ? pieds, avec Jair, avec une seringue dans ma sacoche pour faire une injection ? un vieil homme invalide.
Annette : Quelles ont ?t? les maladies et les douleurs les plus fr?quentes que vous avez eues ? traiter ?
Martin : Souvent des douleurs abdominales, des sympt?mes de grippe, de l?hypertension, et ?galement beaucoup de maladies de peau et parasitaires.
Annette : Y-a-t-il eu des cas graves ou compliqu?s ?
Martin : Oui, deux. J?ai accompagn? un jeune p?cheur ? l?h?pital de Porto Novo en suspectant une inflammation du pancr?as, et une fillette de dix ans a d? ?tre envoy?e ? l?h?pital sur l??le voisin ? cause de fortes douleurs dans le ventre, pour y subir plus d?examens.
Annette : Vous avez connu Tarrafal ? un moment de fortes transformations. Quelle impression cela vous a-t-il laiss?e ?
Martin : Je distingue deux phases : avant l??lectricit?, et apr?s l??lectricit?. Le 30 mars, tout le village ?tait euphorique. Le Premier Ministre capverdien et d?autres politiques se sont rendus au local ?lectrique pour pousser, symboliquement, le levier. Apr?s cela, nous avons eu l??lectricit? 24h/24 ; le nouveau Poste de Sant? et le si?ge de l?Association des P?cheurs ont ?t? inaugur?s, ainsi que la premi?re pierre de la construction de la nouvelle route. J?ai ?t?, par hasard, t?moin de ces moments si importants.
Annette : Pendant votre s?jour ? Tarrafal, qu?avez-vous v?cu de particuli?rement marquant ?
Martin : Les contacts personnels avec les patients, et la fa?on dont j?ai ?t? si g?n?reusement re?u. Je pense en particulier ? une vieille femme qui m?a chaleureusement pris dans ses bras et remerci? avec beaucoup de modestie ; ce souvenir me donne des frissons?
Annette : Avez-vous v?cu des d?ceptions ?
Martin : Je ne dirais pas ? d?ceptions ?, c?est autre chose. Par exemple, le grogue est un probl?me qui se pose constamment, tant pendant les heures de consultations qu?en parcourant les rues du village. Il y a ?norm?ment d?alcooliques graves, mais d?un autre c?t? de nombreuses personnes arr?tent de boire d?un jour ? l?autre.
Annette : Cette visite de travail ? Tarrafal vous a-t-elle apport? quelque chose de nouveau ?
Martin : Absolument. Je connais ? pr?sent la situation et je peux mieux l??valuer. Pour am?liorer les soins m?dicaux de fa?on sens?e et durable, nous ne devons pas imposer de mod?le venu de loin et qui ne serait pas n?cessaire. Pour am?liorer le syst?me, il doit m?rir lui-m?me de fa?on appropri?e. Selon moi, par exemple, l?approvisionnement en m?dicaments et la sensibilisation se sont r?v?l?s tr?s importants. Pour cela, il est n?cessaire de mieux conna?tre la langue, ce que je suis en train d?essayer de faire.
Annette : A votre avis, comment un m?decin d?sirant travailler ? Tarrafal doit-il se pr?parer ?
Martin : Nous sommes en Afrique, cela doit ?tre bien clair, et dans une localit? tr?s isol?e o? tout est compl?tement diff?rent. C?est en ?tant tr?s proche des gens, en ?tant l?un d?entre eux, que nous pouvons obtenir les meilleurs r?sultats. Parler portugais ou une langue voisine est un grand atout.
Annette : Recommenceriez-vous cette exp?rience ?
Martin : Affirmatif. Je vais revenir.
Ilidio, notre infirmier en chef, a dit au sujet de la visite de Martin : ? Une tr?s bonne chose. Martin est un grand m?decin professionnel, et il a fait un excellent travail dans la communaut? de Tarrafal. J?aime beaucoup Martin et son travail. C?est un homme tr?s sympathique, qui a r?ussi ? nouer des amiti?s fortes. Je me suis aussi fait un excellent ami. ?
Lors du premier weekend de son s?jour, Martin a particip? ? la F?te de la Sant? (Feira da Saude) qui s?est tenue pour la premi?re fois ? Tarrafal. Du 20 au 22 mars, plus de cinquante m?decins de diverses sp?cialit?s, ainsi que des infirmiers et autres professionnels de sant?, y compris une d?l?gation de Santo Antao et une autre de Sao Vicente, sont venus donner ? la population locale l?opportunit? de se faire examiner par divers sp?cialistes. Jusqu?ici, un m?decin g?n?raliste venait ? peine une fois tous les deux mois?
Une vingtaine de tentes ont ?t? mont?es ? l?int?rieur et autour de l??cole, du Poste de Sant? et de la D?l?gation Municipale : on commen?ait par v?rifier taille et poids, puis on passait chez l?ophtalmologiste, le dentiste, le cardiologue, l?ORL, le gyn?cologue? Parall?lement, des ?quipes de sensibilisation ?taient pr?sentes pour parler du SIDA, de l??ducation sexuelle, mais aussi du diab?te, des probl?mes de tension etc?
Martin a particip? en tant que dermatologue, avec Annette comme traductrice. Le premier jour, nous avons re?u 42 patients, et le deuxi?me jour 39 !
Nous initions deux nouveaux ? projets ? : nous travaillons maintenant ? am?liorer les soins dentaires ? Tarrafal ? pour l?instant, les dents sont syst?matiquement arrach?es, quel que soit le probl?me ! ? et nous commen?ons ? cr?er notre site web.
Des nouvelles tr?s bient?t.
MILLE MERCI A TOUS LES PARTICIPANTS !!! |