Il y a eu une forte opposition, y compris de la part de certains membres de la majorité (curieusement, ils vivent du tourisme), c'est pourquoi la mesure a été repoussée au 1er janvier alors que l'idée initiale était de l'appliquer dès le 1er juin.
Il y a eu une petite confusion dans l'opinion publique, qui a pensé que l'exemption de visa signifiait l'ouverture des frontières et la fin des contrôles, en ces temps un peu troubles certains ont eu peur de l'arrivée massive de terroristes. Le report au 1er janvier permet au gouvernement de rassurer sur ce point précis: pour entrer au Cap-Vert, il faudra s'identifier formellement, tout comme avant - voire davantage encore. Les 7 prochains mois serviront à mettre en place la plateforme électronique où les voyageurs devront s'enregistrer avant de s'envoler pour l'archipel (note: si quelqu'un du gouvernement passe par ici, qu'il sache que depuis 3-4 ans je suis h-y-p-e-r-spécialisé dans les sites avec formulaires pour candidatures, j'âdôre faire ça et je ne suis pas cher, contactez-moi).
Les opposants les plus radicaux demandaient la réciprocité: si les citoyens de l'UE peuvent entrer gratuitement au Cap-Vert, alors les capverdiens devraient pouvoir le faire tout autant dans l'Espace Schengen. Le gouvernement promettait qu'il négociait avec les autorités européennes pour faciliter les conditions d'entrée en Europe, après tout le Cap-Vert a depuis 2009 le statut de Partenaire Spécial. On s'est mis alors à rêver un peu doucement, jusqu'à ce que le représentant de l'UE au Cap-Vert a assez peu diplomatiquement douché tous les espoirs en disant quelque chose comme "les capverdiens, entrer sans visa en Europe? MDR, c'est pas demain la veille, LOL LOL!". J'exagère à peine, le type fut super désagréable.
Puisque vous avez abordé le sujet, j'en profite pour décrire ces fameuses formalités auxquelles sont soumises les voyageurs désireux d'aller faire du tourisme en Europe (il y a d'autres paperasseries spécifiques aux étudiants, aux entrepreneurs, aux travailleurs, aux artistes ou aux chercheurs).
Le principe, c'est de tenter de montrer qu'on est un vrai touriste et qu'on ne profitera pas du visa pour rester clandestinement en Europe.
1. Il faut donc exhiber ses comptes bancaires, son contrat de travail (avec tous les papiers officiels de l'employeur) ou tout justificatif de revenus. Plus il y a de mouvements d'entrée/sortie sur le compte, mieux c'est, ça prouve que le candidat a une vraie vie au Cap-Vert et qu'il y a des attaches/devoirs/habitudes/obligations.
2. Il faut être invité par un citoyen de l'UE. Celui-ci devra se responsabiliser en garantissant la fourniture d'un hébergement et/ou les dépenses d'alimentation et autres. Pour ce faire, il doit obtenir une attestation auprès de sa mairie, en présentant un titre de propriété ou un bail, ainsi que ses justificatifs de revenus (fiches de paie, déclaration d'impôts), histoire de montrer qu'il ne s'agit pas d'un pauvre accueillant un pauvre.
2b. Si l'on n'est pas hébergé par un ami citoyen de l'UE, il faut produire une attestation de réservation auprès d'un hôtel pour toute la durée du séjour. Ou montrer qu'on a au moins 120 euros par jour. Si jamais le visa est accordé, à son arrivée en Europe le voyageur devra montrer à la Police des Frontières qu'il dispose de la somme nécessaire, sans quoi il sera refoulé. À vrai dire, l'obtention du visa ne garantit pas l'entrée dans l'UE, il n'est pas suffisant puisque la Police des Frontières peut réévaluer tout le dossier à l'aéroport et ordonner le renvoi vers le pays d'origine.
3. Il faut fournir les billets d'avion correspondant au voyage projeté. Là, c'est un peu hypocrite, puisqu'au moment de faire la demande de visa, on ne peut pas exiger d'un candidat qu'il engage une telle somme (non remboursable) sans savoir s'il pourra voyager, on demande donc une simple réservation des vols, facile à obtenir auprès des agences de voyage, que ça agace pas mal d'avoir à faire un truc aussi inutile.
4. Il faut payer: +/- 60 euros de visa (gratuit pour les moins de 12 ans). Il faut aussi souscrire une assurance-voyage couvrant d'éventuels soins et un rapatriement si nécessaire. C'est obligatoire, comptez 30 euros.
5. Il faut connaître par coeur un album de Charles Aznavour, de Michel Fugain ou de C.Jérôme, le choix est laissé. La Police des Frontières peut enregistrer la prestation et forcer le candidat à danser sur la table. Si le candidat souhaite éviter cette épreuve, il peut opter pour la numérisation de ses empreintes digitales.
6. On se connecte sur un site très mal fait et on remplit en ligne un formulaire long comme ma aheum comme mon bras, on choisit une des dates proposées pour être reçu par quelqu'un qui prendra le dossier et vérifiera si tout est complet. Après quoi il faut attendre entre deux semaines et deux mois pour savoir si le visa est accordé. En cas de refus, aucune des sommes versées n'est remboursable. Si le visa est accepté, il faut se déplacer pour aller le chercher (on m'a dit que les procurations sont acceptées, quelqu'un peut confirmer?).
Le Centre Commun des Visas (c'est l'endroit où les dépôts de dossiers et entretiens ont lieu) est situé à Praia: jusqu'en mai dernier, il y avait une représentation à Mindelo mais elle a été fermée. Pour les habitants des autres îles, il faut donc ajouter le prix du transport inter-îles et celui du séjour à Praia. Comme ça a été dit ici, une délégation visite l'île de São Vicente trois jours par mois, mais ça ne suffit évidemment pas, sachant qu'il y avait déjà énormément de demandes quand la permanence était ouverte tout au long du mois.
Celles et ceux qui ont lu jusqu'ici peuvent comprendre pourquoi j'étais un peu dubitatif quand j'entendais des touristes se plaindre d'avoir à attendre 30 minutes à l'aéroport pour obtenir leur visa capverdien. En disant que c'est mal organisé.
Forcément, quand on attend 30 minutes, c'est que c'est mal organisé. |