En (quasi) direct du Cap-Vert

Il y a quelques semaines, des habitants de Boa Vista avaient envahi l'aéroport en construction pour protester contre le retard du paiement des expropriations, les terrains nécessaires à la construction des pistes ne leur ayant jamais été payés.

Redoutant que d'autres manifestations viennent troubler la série de tests qui devraient avoir lieu dans les prochains jours et qui devraient a priori confirmer que l'aéroport est apte à recevoir des vols internationaux, le gouvernement a dépêché sur l'île des policiers dit "de choc", formés et équipés pour faire face aux émeutes (mais le pays n'en a jamais connu), venus de Santiago par bateau.

7200 hectares
C'est la surface de terres cultivables que l'Angola, pays lusophone, vient de mettre à disposition du Cap-Vert pour des projets agricoles. Comme vous le savez probablement, l'archipel souffre d'un manque de terres arables (*) et surtout d'une sécheresse récurrente: résultat, en matière alimentaire, le pays ne produit aujourd'hui qu'à peine 15% de ce qu'il consomme.

(*): je ne salue pas ceux qui seraient capables de résumer cette info en disant "Arables dehors".

"Toujours plus!", hurlait François de Closets (le meilleur économiste au monde après John Maynard Keynes et Pierre Bellemare): le FMI l'a repris à son compte en annonçant cette semaine que l'économie capverdienne connaitrait cette année une croissance bien supérieure aux prévisions faites par le gouvernement.

Petit joueur, le ministre de l'économie tablait sur une croissance de 8 à 9%: magnanime après quelques contrôles dans les trapiches (*) locaux, le FMI en vacan visite dans le pays a déclaré que la croissance s'élèverait à 10,8%.

On peut faire confiance au FMI, le FMI est petit mais c'est ton ami, et il est twès twès malin, il a déjà percé bien des mystères, dont celui consistant à obtenir un nombre à virgule en lançant deux dés.

(*): local où l'on produit du grogue, le rhum capverdien.

La presse française a énormément parlé du voyage du président Sarkozy en Russie, en occultant mystérieusement (mon Dieu, serait-ce un complot?) celui du ministre capverdien des Affaires Etrangères à Moscou.

Outre le fait d'afficher son intérêt pour le développement touristique dans l'archipel, la Russie a annoncé qu'elle envisageait de fournir une centrale nucléaire flottante au Cap-Vert, à des conditions encore non précisées.

Rappelons que depuis 1986, dans certains pays, il est interdit de revenir de Russie avec une centrale nucléaire dans ses valises. Mais pas au Cap-Vert.

Miracle à Praia, une habitante aurait trouvé une nappe de pétrole sous sa maison, il lui a suffi de creuser juste un peu pour tomber sur des litres d'or noir. Tout le quartier est en effervescence, on imagine bien que, de nuit, tout le monde ira de son coup de pioche.

En attendant une explication un peu plus cartésienne à ce phénomène urbano-énergétique, on sourira face à ce télescopage de l'actualité: l'agence de régulation des prix annoncera dans les prochaines heures une augmentation du prix des carburants...

Et pendant ce temps à Mindelo, le pain devient plus cher, en subissant sa deuxième augmentation depuis le début de l'année. Le prix du pain aura souffert d'une inflation de 40% en quelques mois.

Pas d'émeute de la faim dans les rues, mais l'association nationale de défense des consommateurs a promis de porter l'affaire en justice, en estimant que rien, pas même l'augmentation du prix des combustibles, ne justifie cette envolée des prix, décidée de concert par les boulangers accusés de s'offrir de très belles marges.

Evénement assez rare, un tournoi d'échecs a été organisé à Praia, réunissant poussivement dix participants. Au risque de raviver l'éternel conflit culturel entre Santiago et São Vicente, on rappellera que le dernier championnat du genre organisé à Mindelo avait réuni plus d'une vingtaine de concurrents...

L'occasion aussi de rappeler qu'au Cap-Vert, les jeux de société/réflexion les plus prisés sont l'ouril, le jeu de dames, les cartes (principalement le bisca).

L'occasion aussi de taquiner un célèbre pizzaiolo qui attend sa revanche avec une certaine fébrilité...

Profitons du 40ème anniversaire de la mort de Che Guevara pour rappeler que le symbole de la lutte anticapitaliste avait rencontré Amilcar Cabral, le héros de l'indépendance du Cap-Vert et de la Guinée Bissau: la toute première entrevue a eu lieu à Conakry sous le regard bienveillant de Sekou Touré.

Plus tard, bien que Cabral redoutait qu'ils soient découverts par l'ennemi portugais et par la communauté internationale, des combattants cubains furent dépêchés par Fidel Castro en Guinée, où ils participèrent par exemple à la prise de la caserne de Madino do Boé.

Pour en revenir à Che Guevara, c'est son exécution qui remit en cause un plan visant à élargir la lutte armée: des capverdiens formés à Cuba - parmi lesquels l'actuel président de la République Pedro Pires - devaient débarquer dans l'archipel pour affronter les troupes portugaises. Finalement, Castro renonça à ce plan et le conflit fut mené sur le territoire guinéen jusqu'à la victoire.

A noter que la traduction française de "Tricontinental Rebellion", qui réunit des textes de Cabral et Guevara, entre autres révolutionnaires, sera publiée à la fin de l'année (à commander ici), à la Saint Nicolas (ne pas chercher de relation de cause à effet).