- Maria Barba,
Chante encore une morna
Pour dire adieu à Monsieur le Lieutenant Serra (1)
- Monsieur le Lieutenant,
Je ne peux pas chanter davantage,
Je dois aller à Manga
Pour y chasser les criquets (2)
Oh Monsieur le Lieutenant, voici le chef de la police
Il vient me chercher
Si je n'y vais pas, il va m'envoyer
A la prison de Porto
- Qui est le chef de ce village
Afin que, Maria Barba, tu ne t'en ailles pas déjà
- Notre chef s'appelle
Nho Toc d'Chuc Canoche
Je m'en vais pour Manga,
Ma mère est faible, mon père est mort (3)
Je n'ai personne pour répondre de moi
- Maria Barba, chante encore une morna
J'irai parler à votre chef
Maria Barba, chante encore une morna
S'il t'emprisonne, je répondrai de toi
- Santé, Monsieur le Lieutenant,
Santé Monsieur l'Ingénieur
Un grand merci de Maria Barba
Oh Monsieur le Lieutenant Serra,
Quand vous serez à Lisbonne
Ne nous oubliez pas
- Maria Barba, je ne vous oublierai pas
Toi particulièrement, Maria Barba,
Maria Barba,
Je n'oublierai pas les chanteuses
Ni les lavandières, ni toi Maria Barba
- Maria Barba,
Canta mais uma morna
Para despedida do Sr. Tenente Serra (1)
- S’nhôr Tenente,
M'ca t'podê canta mas
M'ti ta bai nha camin pa Manga
Pa matança di gafanhot (2)
Oh, Sr. Tenente, oli côbe d’plicia
Djal bem bscome
Ai, s'um ca bai, el ta mandam
Prese pa Porte, oi, oi
- Quem é o chefe desta povoação
Porque Maria Barba tu não vais ainda
- Nos côbe-chef é
Nho Toc d’Chuc Canoche
Amim ti ta bai nha camin pa Manga
Nha mãe é fraca, nha pai é morte (3)
Amim m'ca tem quem raspondé pa mim
- Maria Barba, canta mais uma Morna
Porque eu falarei com o vosso cabo-chefe
Maria Barba, canta mais uma Morna
Se tu fores presa, responderei por ti
- Saúde, Sr. Tenente,
Saúde Sr. Inginher
Um muito obrigada de Maria Barba
Oh S'nhôr Ten. Serra
Ora bocê bai pa Lisboa
Ai ca bocê squécê di nos, oi, oi
- Maria Barba não me esquecerei de vocês
Principalmente de ti, Maria Barba,
Maria Barba,
Não me esquecerei das cantadeiras
Nem das lavadeiras, nem de ti Maria Barba
- Saúde, Sr. Tenente, saúde Sr. Inginher
Saúde e vivas, pâ Vossas Excelências
(1) L'équipe que le lieutenant Serra accompagnait a parcouru l'archipel de juillet 1926 à décembre 1931. A Boa Vista, le militaire aura deux filles avec D. Vitoria Santos Brito. À Lisbonne, il interprétera la chanson devant plusieurs amis et écrira à sa femme Vitoria pour lui dire de saluer Maria Barba.
(2) A tour de rôle, chaque famille avait pour obligation d'envoyer l'un des siens pour aller protéger les cultures en tuant ou en éloignant les insectes. Le lendemain du bal, cette corvée obligatoire du "pega cabeça" revenait à Maria, seule apte à le faire dans sa famille, elle ne pouvait donc pas s'attarder à faire la fête.
(3) Quelques décennies plus tard, Bana a enregistré la morna en parlant d'un "pai malondre" ("père paresseux"), une variation qui a choqué et peiné l'intéressée, qui a continué d'interpréter sa chanson improvisée pendant bien des années, sans avoir cependant jamais été reconnue comme son auteur.
La jeune Maria a eu deux enfants. En juin 1934, elle fait partie de la délégation capverdienne envoyée à l'Exposition Coloniale Portugaise de Porto. C'est peu de temps après, au début des années 40, alors que la sécheresse et la famine affligent l'archipel, que Maria Barbara quitte son île Boa Vista pour se rendre sur le continent africain. Débarquant en Gambie, elle se fixe en Guinée-Bissau, où elle meurt en 1974.
Basé sur les travaux successifs de Noel Fortes, Rui Machado et Otilia Leitão.